Des Mascareignes à notre arrivée en Afrique du Sud ! fin de la traversée de l’Indien.

Allô la Terre, ici Zaï Zaï, en direct du canal du Mozambique ! 

Il est 12:41 (TU + 2) et nous venons tout juste de terminer notre repas, tofu pané par nos soins sur son lit d’une bonne salade des familles faite avec les restes du frigo (semoule, riz, carotte, feta, tomates séchées) ! Un succès. Nous avons même pu terminé sur une touche douceur et partagé 2 Kinder Bueno à 4 – oui c’est pas top tous ces emballages et ces produits transformés, mais au prix du chocolat à Maurice, on est quand même bien contents de s’offrir une barre par jour – avec le café. Le sucre et le gras, en traversée, c’est la base ! Quand on ne lit pas, on cuisine et on mange. Ce matin, nous avons préparé un gâteau de pommes à la poêle, principe très simple où l’on fait revenir quelques pommes avec du sucre dans la poêle, auxquelles nous rajoutons une pâte à pancake revisitée. Et voilà, ca fait un gâteau de pommes à la poêle et c’est délicieux. Forts de ce petit déjeuner complet, l’école s’est fait sans encombre dans la foulée, un peu de math et de français avant d’étudier Anne de Bretagne, un petit cours d’histoire, de géographie, de politique et de féminisme en 1 ! J’en profite pour citer la chaine Youtube Nota Bene  que nous utilisons très souvent en support d’histoire – géographie. 

Pour le reste du tableau, il fait un temps magnifique, quelques jolis nuages – des cumulus et des sirus, des petites barbes à papa comme dit Gwéno -, j’ai « Life is not easy – The Meditations »  dans les oreilles et un paysage idéal – à l’exception de quelques culottes qui sèchent sur les filières -, notre Zaï Zaï file fièrement, 120 degrés du vent, 13 noeuds de vent, 10kts sous gennack’ , la mer est rangée, pour un peu, on pourrait apercevoir la vie foisonnante du dessous jouer à l’horizon, les oiseaux viennent nous faire coucou ; voilà 5 jours que nous sommes en mer, il y a des moments comme ceux-là où tu touches une sorte de graal, tu sens les paillettes dans ta vie !

Au bout d’un moment, la vie s’organise. On se dit souvent avec Gwéno que nous sommes à un moment de notre voyage où les choses sont plus faciles. Elles coulent d’elles-mêmes. Après 4 ans, fallait pas plus !

Si les filles ont grandi, qu’elles sont plus autonomes et que les tâches du quotidien deviennent petit à petit en partie les leurs, c’est en aussi le bateau qui s’optimise, réglé au fur et à mesure à nos besoins et notre rythme. Nous lâchons le contrôle, gagnons en sérénité et en énergie. Nous trouvons notre équilibre de vie à bord en navigation à 4, les quarts, les repas, l’école, les espaces de solitude de chacun, savoir se foutre la paix est en fait aussi important que d’apprendre à perdre à un jeu de société en famille. On se satisfait d’être là dans la pièce sans être totalement productif, comme écouter le podcast que souhaite nous partager une de nos filles et en parler ensuite tous les 4. Même si ca doit durer des heures. Laisser venir les questions, ca prend du temps, à elles comme à nous. On s’habitue à se mettre en joie de tous ces moments où ça va bien, où c’est facile, parce qu’à l’inverse, quand les moments durs se pointent – et bien sûr qu’il y en a – on est plus indulgents avec nous même peut-être, on se dit qu’il faut les accepter parce qu’ils finissent par passer.

Nous prenons conscience que notre retour vers la terre ferme est enclenchée, alors que, dans le fond, on commence tout juste à se régler sur cette vie en mer à bord de Zaï Zaï, c’est à dire loin des attentes de la société, et parfois on se demande quelle mouche nous a piqué de rentrer. C’est là que les mots de Moitessier résonnent. Alors qu’il est en passe de remporter la Gloden Globe Challenge, il abandonne officiellement la terre ferme et publie ces quelques mots : « Je continue sans escale vers les îles du Pacifique parce que je suis heureux en mer, et peut-être aussi pour sauver mon âme. » (Moitessier, 2009 [1986] : 312)

Plus tard, il rajoutera :  «Le monde occidental me fait songer à un camion bourré de millions d’êtres humains lancé à toute vitesse vers le Grand Trou» (Moitessier, 1993 : 220-221). En choisissant la vie en mer, il décide d’«oublier totalement la Terre, ses villes impitoyables, ses foules sans regard et sa soif d’un rythme d’existence dénué de sens» (Moitessier, 2009 [1986] : 222) et peut-être à se dégager d’une société dans laquelle il ne s’identifie plus. «Je n’en peux plus, dit-il, des faux dieux de l’Occident toujours à l’affût comme des araignées, qui nous mangent le foie, nous sucent la moelle. Et je porte plainte contre le Monde Moderne, c’est lui, le Monstre. Il détruit notre terre, il piétine l’âme des hommes.»

Sacré Bernard !

Toujours est-il que cela nous arrive de songer à remonter l’Atlantique Sud et puis, mettre le cligno’ à gauche. Alors, quand on est si bien en mer, on se (re) demande : « Mais au fait, pourquoi on a décidé de rentrer déjà ? »

Et à chaque fois – que nos parents se rassurent – , nous retrouvons le pourquoi de ce retour, après presque 5 ans de voyage. Peut-être bien que nous avons trouvé ce pour quoi nous étions partis. Un mode de vie qui nous rend plus confiant dans notre capacité à affronter cette époque.

Notre cheminement et nos imaginaires continuent d’être nourris par nos pérégrinations, nos rencontres tout au long du périple, les inconnues qui se dressent à chaque étape, les joies et les difficultés ; nous ressentons un besoin d’ancrage géographique. Retrouver nos proches. Aussi, nous sommes enthousiastes à l’idée de partager avec celles et ceux qui déjà, sur le terrain organisent la résistance, qui s’activent pour envisager un avenir désirable, des tas d’initiatives géniales et nécessaires construisent d’ores et déjà le monde de nos enfants. On a envie d’en être. En restant à l’affût d’une aventure  à la voile. Salée forcément. On ne sait pas encore concrètement comment ça va se passer. Nous avons des idées, des projets futurs pleins la tête, et un mode de vie familial qui nous va bien et que nous ferons tout pour conserver une fois rentrés en Bretagne. D’ailleurs, nous ne rentrons pas vraiment, on le voit plutôt comme la suite de notre voyage.

Nous avons quitté Maurice mercredi soir dernier, un peu sur un coup de tête, parce que les fenêtres météo n’étaient pas en nombre, on s’est dit qu’il fallait faire la route en direct jusqu’en Afrique du sud, sans passer par la Réunion ou Madagascar, même si les arrêts au stand nous auraient bien plu. 

Nous venons de passer plus de 6 semaines à Rodrigues et Maurice : on ne misait pas grand chose sur ces deux étapes, surtout Maurice, souvent décrite comme « très touristique » ! Et pourtant.

On rembobine.

Après 8 jours de mer bien sportifs, nous arrivons à Rodrigues heureux d’entrer dans une toute nouvelle phase de notre voyage. Les 2000 milles de traversée de l’Indien venaient de défiler, nous étions heureux ! Plus tôt, j’étais entrée en contact avec Bryce – qui nous suivait notre projet depuis quelques temps – et qui m’avait gentiment envoyé le contact d’un de ses amis,  Jérome Branellec à Rodrigues. Et, il faut dire, qu’il y a des rencontres qui changent tout. Ou presque. 

Jérome débarquait à Rodrigues 30 ans plus tôt pour animer le club de planches à voile de l’hôtel de la région sud de l’île. Il n’en partira plus. Il rencontra Estenie, Rodriguaise et ensemble, ils eurent 2 enfants, Marine et Noé. Aujourd’hui, les petits chatons ont 25 et 23 ans, l’une dirige le club de wing / kite sur la plage avec une bonne bande de jeunes super sympas, l’autre est devenu moniteur de plongée sous-marine et donne quelques cours de wing ou kite dans les pics d’activités du club. Pendant le COVID, l’île a été fermée pendant plus de deux ans. Alors, il a fallu se retrousser les manches et faire autre chose. C’est là que Jérome se lance dans la plantation de coraux. Le principe est simple : faire des boutures et replanter dans les zones sinistrés. Et ça marche. On a pu aller sur les spots pour nettoyer les coraux recouverts d’algues nuisibles et constater que le beau avait repris sa place. Le vie était indéniablement revenue. Et quand on côtoie la vie et le beau d’aussi près, un sentiment puissant d’amour nous submerge. Vient ensuite l’espoir. Voilà pourquoi dans ces endroits, on peut passer des heures sous l’eau. 

Alors quand Jérome nous invite à passer du temps avec lui et sa famille, Zaï Zaï seul bateau du mouillage de la baie de Mourouk, nous n’arrivons plus à partir. Le matin, on se lève avec une vue imprenable sur les pirogues traditionnelles rodriguaises parties pêchées la dourite (octopus), après l’école nous filons sur la plage où les filles s’éclatent avec les petits copains et copines venus pour les vacances, pendant que nous découvrons le lagon à grand coup de bords de wing et kite. 

La vie est douce. 

Alors pour jouer les prolongations, nous modifions la destination de ma maman pour qu’elle atterrisse directement à Rodrigues. C’est son anniversaire, 69 ans : On en profite pour l’inscrire, elle et Julie, qui vient d’avoir 8 ans, pour leur baptême de plongée sous-marine. Elles décrochent leur diplôme haut la narine ! Moment magique. 

Et puis il faut partir, nous avons rdv à Maurice, où nous avons organisé une petite conférence avec le Yacht Club de Grand Baie (encore grâce à Bryce). Et une vente de perles. Rien n’est prêt. Je m’y mets pendant la navigation, aidée de maman. Gweno, Zaï Zaï et les filles gèrent le reste. On fait équipe et les conditions sont bien tranquilles. 

On arrive 24 heures avant l’évènement, ce qui nous laisse le temps de découvrir le mouillage, rencontrer l’équipe et peaufiner l’organisation. Le jour de la conférence, les filles sont invitées par le Yacht club à participer au cours d’optimist avec les autres enfants. Elles rencontrent Nora, 8 ans, et deviennent copines immédiatement. La conférence se déroule devant une trentaine de personnes ; On nous fait un accueil chaleureux et les mots d’encouragement sont vraiment sympathiques et bienvenus.  Quelques jours plus tard, les parents de la petite Nora nous invite à passer le weekend à Trou d’eau douce, dans l’est de l’île. Par chance, le temps est idéal pour aller mouiller à la côte au vent. Pour le plus grand bonheur de Cléo qui fêtera ses 7 ans bien entourée. 

Le temps passe vite et déjà nous devons dire au revoir à maman qui vient de passer 15 jours avec nous. Nous sommes attendus au quai du CNOI avec qui nous avons programmé une sortie d’eau du bateau express. Un énorme merci à Jérome, qui nous a mis en relation avec Manu, le responsable du chantier !!

Manu accepte de sortir Zai Zai avec beaucoup d’enthousiasme, le tout entre deux thoniers. En 4 heures de temps, Zai Zai est propulsé en l’air, posé sur des cales, Gwéno change les joints de saildrive aidé par toute une équipe super efficace, Martjin est venu nous filer un coup de mains et passe le jet sur les coques pendant que je file avec sa voiture déposer le génois en réparation-renfort chez Sails, le bateau est remis à l’eau dans de parfaites conditions, à l’image d’un arrêt au stand d’une formule 1 en plein grand prix. 

 

Il nous reste quelques jours à l’ouest de l’île pour profiter du swell, les filles sont ravies de faire du surf et nous retrouvons d’autres familles encore, des amis d’amis que l’on rencontre au gré du hasard, sur fond de recherches de spots de surf – de plongée – et de wing. Il y a d’ailleurs tellement de gens avec qui nous aurions eu envie de passer plus de temps si nous n’avions pas une saison cyclonique à nos trousses. 

Au fil des années qui passent, nous apprenons à nous laisser porter par les opportunités, le hasard et les inconnues qui se dressent devant nous, il n’y a plus rien à checker, notre voyage se fait petit à petit, et se construit de tout ca. 

Un énorme merci à tous pour votre accueil : 

  • A rodrigues : Jérome, Estenie, Marine, Noé ; Claire et Christian du café  ; Fifi
  • A Maurice : Bryce ; Le yacht club de Grand Baie, Emilie, Louis et leur équipe ; Manu et son équipe ; Astrid, Olivier et leurs enfants ; Capucine, Sebastien et leurs enfants ; Florence

A l’heure où je publie cet article, nous sommes amarrés au ponton de Richard’s Bay. Cela fait maintenant 4 jours que nous sommes arrivés en Afrique du sud, bien contents que la fenêtre ait été la bonne pour nous ! En revanche, on est parti de Maurice avec un virus que l’on s’est passé tranquillement, crescendo, histoire d’avoir la maladie à bord pendant 3 semaines !

Grosses bises !!

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