Ces livres que nous avons lu en transpac’

On les a lu pendant la transpacifique, et on en a parlé pendant 20 jours avec tout l’equipage. C’était joyeux et animé. Ils ont éveillé toute notre curiosité et mérité notre attention, pour cela, on vous les recommande chaudement ! Au final, on a trouvé qu’ils étaient porteurs de beaucoup de messages positifs. Ils donnent à voir une autre façon d’habiter ce monde !

LES LECTURES DE ZAÏ ZAÏ – Juillet (1/3)

Salomé Saqué, « Sois jeune et tais-toi » aux éditions PAYOT

Salomé est journaliste pour le média en ligne Blast, France 5 et Franceinfo. A 27 ans, considérant que « les jeunes ne correspondent pas aux clichés qui leur collent à la peau », elle écrit un essai sur la jeunesse, de façon à opérer un changement de regard.

« La solidarité intergénérationnelle est indispensable pour faire face aux bouleversements qui nous menacent tous ».

Avec à peine dix années de plus qu’elle, et même si nous n’avons jamais critiqué cette jeunesse, à la lecture de sa démonstration, les enseignements sur la jeunesse d’aujourd’hui sont en nombre. Salomé ne laisse rien au hasard et aborde entre autres choses,  les rapports entre la jeunesse et leurs ainés, la question de l’autonomie, de l’héritage et de la méritocratie, les jeunes et les politiques publiques, leur relation à internet et aux écrans, de l’impact des attentats – de la mutation anxiogène des informations – de la crise écologique – de la pandémie – sur leur moral et leur avenir en général, la question de la culture, leur rapport à l’autorité et l’Etat, à leur engagement politique et citoyen, leur rapport à la carrière et au travail !

Un ouvrage édifiant qui nous touche tous, qui que l’on soit. Tous, nous avons des jeunes frères et sœurs, cousines et voisins, si ce n’est pas un bébé qui va naitre, des enfants en bas âge, des pré-adolescents ou le grand que « l’on n’a pas vu pousser » qui quitte le foyer.

Nous étions ces jeunes, nous sommes ces jeunes ! La jeunesse, c’est l’avenir de l’humanité. Elle mérite la plus grande attention de notre civilisation. Aussi, je crois que tout est lié. Si on se préoccupe de notre jeunesse, on sera en capacité de prendre soin de nous et de notre planète.

 « (…) c’est un appel à l’aide, une main tendue à destination de nos ainés. »

« Nous – ma génération et les suivantes – n’étions pas là, quand il aurait fallu prendre des décisions et que rien n’a été fait. Nous ne pouvions ni voter, ni consommer autrement, ni manifester, ni agir d’une quelconque façon, puisque nous n’étions pas nés. 

Pourtant, c’est bien nous qui subirons et devrons gérer les pires conséquences des décisions politiques des générations précédentes. Il n’y aura pas de retour en arrière en ce qui concerne l’écologie, puisque six limites planétaires sur 9 sont déjà dépassées. »

« Les jeunes, dans leur écrasante majorité, sont préoccupés par les questions environnementales (85% des moins de 35 ans s’alarment pour la santé de la planète) mais ils ne sont ni catastrophiques ni naïfs. Au contraire, ils sont très lucides, puisqu’ils s’appuient sur l’ensemble des données scientifiques dont l’humanité dispose aujourd’hui, notamment le dernier rapport du GIEC en date. »

« … je ne veux pas prendre la responsabilité de mettre un enfant au monde sans être en mesure de pouvoir le protéger. (…). Les milieux sensibilisés à ces questions sont remplis de gens qui ne veulent pas d’enfant. Ce n’est pas une mode, ce n’est pas toujours un choix, c’est souvent une décision mue par le désespoir. »

« Il faut dire que tout s’est arrêté d’un coup, à un âge où tout est censé commencer. (…) Sans interactions sociales directes, tout est soudainement devenu virtuel. Tout ce qui apporte du plaisir, tout ce qui participe à la construction personnelle, sociale, professionnelle : terminé.  Et pas question de broncher, sous peine de se voir intenter un procès en individualisme ! »

En savoir plus : https://www.payot-rivages.fr/payot/livre/sois-jeune-et-tais-toi-9782228931632

LES LECTURES DE ZAÏ ZAÏ – Juillet (2/3)

Timothée Parrique, « RALENTIR OU PERIR, l’économie de la décroissance » aux éditions SEUIL

Déjà le titre ! On est fan. Ralentir, ou périr. Ralentir, ou c’est le mur dans la tronche. Bim !

Pour quelqu’un qui aurait été dressé pendant ses études au culte de la performance -comme ce fut le cas pour moi, de prime abord, le terme décroissance ne fait pas très sérieux !

J’avais 15 ou 16 ans quand le sujet de l’économie sociale a commencé à me captiver, de mémoire depuis le lycée. Comment organiser les échanges au sein d’une société ?! J’étais fascinée par l’agencement de la chaine au sens global, l’ensemble du tableau. Pas seulement la marchandisation, mais aussi le prêt, le don, la répartition, l’extraction de la ressource, la production du bien en question, sans oublier sa destruction une fois alloué et consommé. Il me paraissait évident que cette chaine était au centre de tout, capable du meilleur comme du pire. Elle challengeait un tout, comme il l’impactait en retour.

Et puis, allez savoir pourquoi – American dream peut-être ?! -, je me suis retrouvée à étudier l’économie au sein d’une école de commerce. Si tout n’est pas à jeter – mon attrait pour la convivialité s’y est fortement développé -, d’une façon générale, mes études m’ont surtout enseigné à tout transformer en « marchandise ». Ce qui, dans le fond, m’a souvent mise un peu mal à l’aise, car comment pouvait-on marchandiser la convivialité ?

En revanche, l’entrepreneuriat s’est imposé presque naturellement comme projet de vie, et avec lui, je dois le reconnaitre, les injonctions normatives de notre société néo-libérale, très coriaces à déboulonner.

L’affreuse direction de notre modèle économique actuel n’est-elle pas à l’origine de la plupart de nos maux ? Je suis maintenant convaincue qu’il convient (et qu’il est possible) de déconstruire les paradigmes prescrits par la méga machine – où la marchandisation règne en maitre-, de façon à apprendre d’autres manières de faire société. Ainsi, nous pourrions collectivement sauver ce qu’il reste de beau.

Timothée Parrique est chercheur en économie de la décroissance. « Décroissance » n’est pas un gros mot ; ce mot s’oppose simplement à l’idéologie de la croissance. Dans son essai, il décrypte la vie secrète du PIB, parle de découplage entre l’écologie et la croissance, distingue ses limites sociales et politiques, avant d’invoquer un chemin de transition vers une économie de la décroissance, ou comment déserter le capitalisme avec panache.

C’est bien écrit et très accessible. Une lecture qui saura nourrir vos réflexions du mois d’aout avec une bonne dose d’heureuses perspectives !

Le pouvoir de vivre

« La qualité de vie dépend de l’adéquation entre les moyens dont on dispose et les besoins que l’on a. L’argent par exemple n’est qu’un moyen parmi beaucoup d’autres, et c’est avant tout ce qu’il permet d’acheter qui va venir déterminer sa capacité à satisfaire des besoins. C’est là un point essentiel : ce qui compte au final ce n’est pas le « pouvoir d’achat » mais plutôt le « pouvoir de vivre ».

Le PIB

« Se réjouir d’une hausse du PIB sans connaitre la façon dont il est calculé revient à se réjouir de voir son réfrigérateur se remplir sans savoir de quoi. »

« Ce qui compte ne peut pas toujours être compté, et ce qui est compté ne compte pas forcément ! »

Le progrès technologique

« Au lieu de se substituer aux technologies polluantes, l’innovation vient la plupart du temps empiler de nouvelles techniques sur les anciennes.

Résultats : 1% de croissance des brevets sur des technologies environnementales est associée à seulement 0,005% de réduction de l’empreinte écologique, une corrélation marginale. Attendre du progrès technologique qu’il verdisse l’économie serait aussi naïf que de penser qu’acheter des livres de diététique suffirait pour perdre du poids. »

Importance de l’activité extra-économique

« Le postulat de base de ce chapitre est le suivant : ceux qui produisent sont eux-mêmes produits. (…) Une boulangère dépressive serait aussi incapable de produire une baguette qu’une boulangère sans four ni farine. Autrement dit : toute activités économiques s’appuie sur une activité extra-économique. »

Se libérer de ce qui est inutile, être heureux

« (…) nous devons ralentir les activités les plus polluantes et les moins utiles afin de préserver celles que l’on considère comme essentielles, et qu’il faudra alors verdir le plus possible » .

« (…) ce que nous devons faire pour survivre est aussi ce que nous devrions faire pour être heureux ».

Ce qui pourrait être

« Le chantier est vaste mais les idées ne manquent pas : une économie convivialiste faite de communes frugales de permaentreprises contributives, er de sociétés relationnelles, animée par un hédonisme alternatif et une poursuite de la résonance ; une économie de la low tech avec une culture du travailler moins pour vivre mieux organisée en biorégions misarchiques et en cercles sociocrates selon le modèle du municipalisme libertaire.

En savoir plus : https://www.seuil.com/ouvrage/ralentir-ou-perir-timothee-parrique/9782021508093

LES LECTURES DE ZAÏ ZAÏ – Juillet (3/3)

Camille Etienne, « Pour un soulèvement écologique, Dépasser notre impuissance collective », aux éditions SEUIL

Allez, youpi, un dernier livre pour la route !, et pas des moindres…

Ralentir, Rameuter, échauffer, mobiliser, bifurquer, désobéir – enfin déjà arrêter de « sur-obeir »-, bref… se soulever devant l’inacceptable. Camille Etienne est une jeune activiste pour le climat, elle se soulève aux cotés de millions d’autres partout dans le monde, elle a concrètement participé à ce que des projets mortifères n’aillent pas jusqu’au bout.

Elle écrit que « Les paysages dans lesquels on s’inscrit nous déterminent, nous dirigent. » Et ça nous parle. Bon, elle a aussi écrit que « La fuite est un luxe. Un luxe lâche. » Mais c’était au sens de celui qui part en faisant comme s’il n’avait rien vu, rien entendu, rien pris, rien compris. Pas au sens, « Courage, on s’arrache ! ». Enfin je sais pas… enfin peut-être !

Toujours est-il que dans son livre, il n’est pas question de voyage au Pérou, c’est plutôt un appel au soulèvement des générations, des peuples ! En fait, une petite minorité d’entre nous suffirait déjà pour renverser la balance. Dans « soulèvement », elle entend deux choses : s’activer pour empêcher la catastrophe de se produire, et/ou –l’idéal étant de faire les deux mais c’est plus chaud-, réfléchir à un plan B… Dans tous les cas, arrêter de « sur-obéir » au système qui nous a fait. Parfois, il convient même de désobéir pour combattre l’immonde et envisager un autre futur pour la génération qui vient ! En substance, « Réfléchir intensément à comment s’adapter à un monde à +4C, tout en faisant tout notre possible pour que cela n’arrive pas. »

« Se soulever, c’est accepter sa vulnérabilité (…) Il faut se soulever pour travailler à faire advenir un monde que nous habiterons mieux. »

Franchement, c’est un essai inspirant et bien construit, il mérite toute notre attention ! Camille Etienne – tout comme Salomé Saqué, Timothée Parrique et beaucoup d’autres- s’activent pour que les choses aillent dans un meilleur sens. Ils donnent matière à réfléchir et nous challengent incontestablement.

Ps : ci-après, vous trouverez quelques-unes de nos notes, nous avons choisi certains extraits pour illustrer des thématiques qui nous interpellent franchement.

Se soulever en devenant parents

« Je trouve fascinant de constater le nombre de gens qui ont décidé de se soulever en devenant parents. C’est peut-être la peur de les voir grandir dans un monde qui s’effrite et se délite, le sentiment de compromission au futur parce qu’il sera le présent d’une partie de nous, celle qui a priori nous survivra. »

La peur

« Et si au lieu de se laisser divertir par de petites paniques morales auxquelles personne ne croit, on s’attaquait enfin à la seule grande peur qui mérite notre attention ? Déconstruire ces peurs factices. Ces peurs qui empêchent. Ces peurs de l’Autre bord. Cette xénophobie qui nous divise, pour mieux régner. »

« Ne pas faire trop peur, cette petite phrase glissée m’a toujours agacée. Comme si je risquais d’annoncer à un groupe d’enfants que le père noël n’existe pas. Il est temps de ranger les fausses barbes et de trouver de la magie ailleurs. »

L’Emprise

« Total s’introduit jusque dans les classes d’école. En dix ans, ce ne sont pas moins de 500 000 élèves de collèges et de lycées qui ont reçu une introduction aux enjeux énergétiques appuyée sur un kit pédagogique directement fourni par Total aux enseignants. Est-il souhaitable qu’une entreprise dont les méga profits extra activistes nous mènent dans le mur depuis des décennies formate le cerveau de nos enfants sur les enjeux climatiques ?

La vérité, c’est que Total se fout des enfants. La raffinerie de Normandie rejette tellement de déchets dans l’air que les écoles alentour explosent au quadruple les seuils d’acceptabilité de certaines particules, et tellement de déchets dans l’eau que les propres employés du groupe affirment qu’ils n’enverraient pour rien au monde leurs enfants s’y baigner. »

Fin d’un monde

« Si l’urgence climatique était une maladie, ce serait de celles dont on peut encore guérir, non sans séquelles et sans changement de vie profond. Elle n’annonce pas une fin certaine, mais probable. Le deuil que nous traversons est donc un deuil symbolique. Celui d’un certain modèle, d’un mode de vie présenté comme immuable : le deuil d’un progrès économique infini dans un monde fini, le deuil de l’homme comme « possesseur et maitre de la nature », le deuil d’un salut technologique. Faire face intellectuellement à l’urgence écologique, c’est faire un deuil philosophique de certaines théories qui font tenir notre monde moderne. »

Désobéissance

« Face à tout ce qui fait l’état du monde une honte, comment expliquer l’apathie ? N’avons-nous plus le temps pour la révolte ? C’est que la mégamachine nous occupe. On rentre tard. On travaille trop. L’algorithme tue le temps pour nous. Même plus besoin de l’ennui pour alibi. (…) On s’est endormi quelque part et réveillé à son service.

Le soulèvement a un coût

« Bien sûr que le soulèvement à un coût. Que le risque encouru par la désobéissance civile de se retrouver confronté à la police quand on est blanc ou racisé n’est pas le même. Bien sûr que s’engager bénévolement dans des associations demande un temps que l’on n’a pas lorsque l’on doit faire trois jobs étudiants pour rembourser son prêt. Bien sûr que beaucoup renoncent à faire grêve parce qu’ils sont à un jour près à la fin du mois pour remplir le caddie. Bien sûr qu’il est plus facile de bifurquer lorsqu’on a un chez-soi où atterrir, un « au cas où » incarné par un diplôme, une famille, des économies à la banque… bien sûr que le soulèvement nous coûte. Et qu’il coûte plus à ceux qui en ont moins. »

Fuir, déserter

« Fuir, mais en fuyant, chercher une arme », écrivait le philosophe Gilles Deleuze.

« Si vous désertez, faites-le avec panache, il faut que cela ait de la gueule, que ce soit de l’ordre du « on se lève et on se casse ». Si on refuse de coopérer alors il faut que le monde le sache, qu’on ouvre la voie pour d’autres qui existent et qui hésitent encore. »

« Et c’est ce ralentissement du monde, tellement nécessaire et beau, qui sous-tend le soulèvement et qu’il faut politiser. Incarner d’autres manières d’être au monde, d’être vivant, est éminemment politique. C’est-à-dire qu’il peut aussi être un autre projet de société. Déserter, bifurquer, ralentir, dans ce sens, c’est aussi se soulever. »

« Je n’en peux plus des faux dieux de l’Occident toujours à l’affût comme des araignées qui nous mangent le foie, nous sucent la moelle. Et je porte plainte contre le monde moderne, c’est lui le Monstre. Il détruit notre terre, il piétine l’âme des hommes (…) » B. Moitessier

En savoir plus : https://www.seuil.com/ouvrage/pour-un-soulevement-ecologique-camille-etienne/9782021501872

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