L’annexe à voile. Cette fameuse, celle dont on parle depuis des années, celle que l’on aurait bien fabriquée AVANT de partir.
Voyez-vous, dans la Gahinet’laxy, on s’imaginait emmener nos filles à l’école à la voile, se déplaçant à la seule force du vent – et de nos bras musclés – lors de nos déplacements au mouillage. Une rêverie rapidement remise à plus tard, car au temps de la rénovation de Zaï Zaï, les travaux étaient tellement conséquents que l’on a fini par se dire que l’annexe à moteur d’occasion – vendu avec le bateau- ferait parfaitement l’affaire. Tout du moins, au début. Et ce « au début » durera deux ans ! C’est long deux ans…
Pas si simple de construire son annexe à voile quand on ne s’inscrit plus dans un territoire. Allôôôôô ! Effectivement, il y a deux trois petites choses à régler, comme trouver un endroit pour faire le chantier et avoir tout le matériel, sans oublier bien sûr le bois ADAPTÉ !
Puis, il y a l’épouvante de se mettre une forte contrainte de voyage, car tant que le travail n’est pas terminé, tu ne sais jamais quand tu vas pouvoir vraiment lever l’ancre. Un oubli d’une toute toute toute petite pièce à une étape cruciale peut générer des semaines de retard. Surtout ici aux Gambier, où les bateaux de réappro’ ne passent qu’une à deux fois par mois tout au plus.
« Ohhh Ça va les Gahinet, vous avez le temps, vous n’allez pas non plus vous plaindre ! ». Bah oui c’est vrai tiens, on n’a rien n’a faire et on n’est pas du genre à se mettre la pression, alors ok, go, allons-y une bonne fois pour toute !
Alors que nous étions à deux doigts de remettre le projet à plus tard, Julie a littéralement explosé « Ah non Papa, hors de question, je ne veux pas t’entendre renoncer si près du but ! L’annexe à voile, tu en parles depuis des plombes, alors maintenant, tu arrêtes de tergiverser, et tu te sors les doigts … ! » Euh dis-donc jeune fille, surveilles ton langage ! Qui s’occupe de son éducation ici ?!
Papa va faire l’annexe (rappelez-vous, face à la technique, je préfère la fonction support, la couture et la cuisine, mais on y reviendra), il rigolait bien sûr, n’est-ce pas Gwéno !?
Ce n’était pas qu’une simple histoire de flegme, non pas du tout, il y avait aussi une incertitude de « timing ». Fallait-il quitter les Gambier ou rester pour affronter l’hiver et sa météo tourmentée du mois de juillet ??
Il m’a dit « winter is coming », ça nous a mis la chair de poule, nous avons échangé un regard qui en disait long comme si on ne s’était jamais senti aussi vivant… Gwéno m’a lancé tel un chien fou « ma chérie, inscrivons-nous sur la page Facebook des petites annonces de Rikitea, on va vendre la caravane à moteur, j’ai l’impression que tout ça est un rêve ! ». Il est parti en sautillant, tel un conquérant éveillé vers sa destiné, en oubliant même son sac à dos dans le carré, j’ai senti ce jour-là qu’il serait inarrêtable !
Fort heureusement, le plus gros avait été fait avant. Gwéno, toujours très prévoyant, avait commandé l’annexe – en kit – lorsque nous étions à Panama mi-janvier. Livraison longue par cargo depuis les États-Unis, le temps pour nous de s’ancrer dans les San Blas. Nous l’avions récupérée in extremis, tout juste avant de traverser le Pacifique début mars. On a douté de rien et… c’est passé.
Arrivés en Polynésie, nous avons cherché un endroit pour la construire et il aura fallu à Gwéno des semaines pour parvenir à faire livrer du bois et des vices de Tahiti, tant le réseau téléphonique est défectueux ici à Rikitea.
« Allo ? Oui,c’est Gweno, on s’est eu il y a tout juste 5 sec, je dois faire vite car j’ai bientôt plus de forfait, donc sur les références, je te disais 5 tasseaux de … Allo ?! »
Cela fait maintenant deux semaines que le chantier est lancé, chez Marie et Nico qui nous louent gentiment une partie … – disons plutôt l’intégralité – de leur terrasse couverte. Dans Affaires Sensibles cette semaine, « Marie a-t-elle eu vraiment le choix ?! ».
Gwéno est en-chan-té de pouvoir se concentrer sur des tâches manuelles constructives, ce qui nous sort enfin des réparations habituelles, celles dont il serait presque louche d’y échapper, j’ai nommé…. les produits faisandés – et dont l’obsolescence est programmée, issue de l’industrie dysfonctionnelle du plastique – des toilettes et des douches.
Faisant ce constat malheureux que les systèmes ne sont pas toujours étudiés en fonction d’un usage adapté, raisonné et sur le long terme, Gwéno a décidé d’ajuster les fonctions principales de l’annexe à nos besoins essentiels ! A force de vouloir expérimenter, il a tout de même fallu quelques fois recentrer nos échanges, sans quoi l’annexe se verrait équipée d’une rampe de lancement pour wingfoil sur son tableau arrière.
Puis, il a défini les grandes priorités du projet et les a répartis au sein de l’équipage. « Anne-Laure à la sellerie (entendez, les boudins de protection réalisés avec des veilles frites de piscines et du tissu imperméable retrouvé dans un fond de cale d’un bateau copain), Julie et Cléo à la création graphique (entendez, on va moins rigoler quand on passera à l’activité familiale de la peinture de la coque, parce qu’évidemment Cléo fera n’importe quoi, que cela fera rire aux éclats sa sœur, ce qui entrainera des réactions en chaine, et que l’on finira par perdre la boule et les mettre au coin) ».
Étonnement, la construction avance sans encombre. Ce qui m’inquiète le plus, c’est quand je surprends Gwéno en train de travailler tout en fredonnant un air de Gigi l’amoroso de Dalida.
Sinon ce kit d’annexe en bois est plus qu’inspirant, il est génial ! Comme pour un projet de couture, un patron-papier accompagne les grandes étapes à suivre et il ne reste plus qu’à assembler et coller les morceaux de bois entre eux. Un gosse de maternelle pourrait le faire ! Bon, pas les nôtres.
Toujours est-il que nous avons déplié la structure de base comme un papillon ouvrirait ses ailes. Et c’était beau.
En attendant, on se prépare à recevoir la bête et à ce titre, nous avons organisé un nouveau challenge (oui on adore les challenges), « challenge 0 annexe à moteur » ! Pour se faire, c’est très simple, on n’utilise plus l’annexe à moteur. On se déplace exclusivement avec le canoé et le paddle. Sauf depuis quelques jours, je ne voudrais pas balancer mais Gwéno prend l’annexe pour se rendre au chantier, parce que, parce que, parce que… il y a toujours une bonne raison !
De toute façon, quand on ne l’aura plus, et bien, on ne l’aura plus.
Plus d’annexe à moteur, plus de trajets motorisés, plus de trajets motorisés, plus de trajets motorisés ! Voilà. C’est ça, innover sous la contrainte !
Et quand je regarde le plan d’eau au moment je vous adresse ce récit subtil, il y a de très très très vives rafales à 35 nœuds dans la baie de Rikitea et je me dis que j’ai hâte.
A très vite pour de nouvelles aventures dans la Gahinet’Laxy sur Zaï Zaï !