2013 est marquée par une bascule de choix : quitter Paris et s’installer en Bretagne, à Lorient. Pour fêter cette trajectoire naissante, je décidais d’apprendre le kitesurf. Après une série express de trois cours, j’achetais mon matériel et connaissais les joies et les déboires de ce sport nautique relativement risqué pour une tête brulée de ma sorte. Quatre années de pratiques hasardeuses ont suivi. Je les avais toutes faites : aile dans les rochers, deuxième rebond dans un saut manifestement pas contrôlé, aile partie en vrille sur la plage, aile saucissonnée dans les vagues – plusieurs fois -, aile ratisseuse sur la plage, ligne coupée net et aile indomptable, aile fuyeuse au large sur fond de vent offshore. Bref Je passais à chaque fois à « ça » de l’accident grave ! Pourtant, la grande majorité des sessions demeuraient fameuses, celles dont on se souvient surtout et qui font que l’on y retourne sans crier gare !
Je dis quatre années parce qu’une période de deux grossesses/naissances s’est enchainée ensuite et il fait dire que je me suis un peu calmée coté rodéo. Je suis devenue une bonne mémère du kitesurf, style « trankilou bilou », faudrait quand même pas me stresser ! Mes sauts devenaient sans grande prétention – dommage qu’ils n’en aient jamais vraiment eu – et les conditions choisies pour naviguer étaient toujours des plus favorables. Vent établi, de travers, mer lisse ou vagues parfaites, température de l’eau acceptable.
Puis, il a fallu que Gweno se mette à observer qu loin ces types Batman sur leur foil et leur aile dans le dos. Ca n’avait – et je le pensais sincèrement à l’époque – aucune allure ! J’ai nommé, le WINGFOIL, qui a connu – dans nos contrées – un essor fulgurant ! Gweno s’est penché sérieusement sur la question et a bien sûr voulu tester l’engin, à l’aide de copains déjà équipés. Avant notre grand départ en transat sur Zaï Zaï, il se décide et investit dans un premier jeu de matériel. Une planche rigide de 120 litres, un foil 1500, aile 5 m. Une bonne base pour commencer – disons plutôt que c’est avec ça que l’on a débuté et cela s’est très bien passé.
Gwéno a progressé tout de suite, assez vite. En ce qui me concerne, j’avais toujours le kitesurf en fond de toile et n’étais pas tout à fait prête à découvrir une nouvelle pratique. Pourtant, dans un élan de curiosité, je me décidais à monter sur la planche.
La planche rigide de 120 litres me permettait d’être debout, en passant rapidement le stade « sur les genoux ». Je mettais une bonne demi-heure à comprendre comment tenir l’aile – il me parait préférable de débuter dans un vent établi d’une 15 aine de nœuds par exemple – et je tirais mes premiers bords dans l’heure qui suivait, à ce stade sans voler. Je savais simplement voguer de gauche à droite aller-retour, en prenant le soin de descendre de la planche de façon à faire pivoter la planche et ainsi changer de bord. Bravo Anne-Laure !
Le fait de débuter avec une grosse planche me permettait de prendre confiance, de distinguer rapidement des sensations avec mes pieds et mes jambes, et ainsi appréhender les positions, sentir le moment où la planche finirait par se soulever dans les airs. A savoir que l’aile en 5’ reste un peu grande pour moi, je préfère la 4’, qui est beaucoup plus facile à manœuvrer pour mon gabarit (1,65 m et 58 kilos).
Nous partions donc en transat avec cette connaissance pour ma part presque « nulle » de la pratique. Arrivés aux Canaries, et compte tenu de mon appréhension de voler, Gweno me proposait de me tracter derrière le zodiac avec le foil. Chose peu écologique j’en conviens, plus tard je me laissais remorquer directement depuis le bateau à voile, ce qui fonctionne aussi !
Dans mon enfance, j’eue de nombreuses occasions de pratiquer le wakeboard – chose décidemment pas écologique, mais que voulez-vous, tout le monde change –, donc le fait de surfer derrière un engin motorisé n’était pas une première pour moi et un presque atout pour débuter en foil. Aussi, je sentais avec aisance comment positionner mes pieds sur la planche : plutôt en arrière au début pour faciliter la sortie, puis bien recentrer le poids du corps et ne pas hésiter à mettre un peu d’avant en fonction de la réaction du foil ou de la façon dont il a été fixé.
J’étais prête à m’envoler avec l’aile, dès qu’il y aurait du vent. Vent que l’on retrouvait à notre arrivée en Guadeloupe. Je pratiquais donc ma première session de Wingfoil dans la petite baie de Saint-François, slalomant entre les bateaux au mouillage. J’étais encore très loin des empannages et des virements de bords, je dégustais des catapultes de l’espace – voilà pourquoi je me suis muni assez vite d’un casque et d’un gilet de protection – mais il y avait de l’idée, c’était plutôt prometteur.
Je mettais ensuite plusieurs mois à remonter à cheval car nous connaissions des conditions particulièrement favorables pour le kitesurf aux Grenadines. Je me laissais cependant tenter par une ou deux sessions mais je n’avais vraiment qu’une obsession, celle de sortir le kite, que depuis tout ce temps, je commençais à maitriser – en partie en tout cas. Oui, parce qu’une fois arrivés à Barbuda – spot absolument incroyable, trois bateaux au mouillages, mer lisse et turquoise où l’on voyait passer les raies sous nos pieds – j’étais tentée de préparer mon kite directement depuis le bateau après des années sans l’avoir fait. Au lancement, l’aile éjectée – qui, accrochée au paddle, lui-même accroché au bateau – terminait en chou-fleur 300 mètres plus bas.
Il fallait se rendre à l’évidence – même si cela me fendait le cœur de le reconnaitre – : le kite, c’était dangereux et toujours un peu galère.
Avec le wingfoil, tout était plus facile. La préparation, la mise à l’eau, la prise en main était d’une grande simplicité. Si soucis, il suffisait de s’allonger sur sa planche et de ramer pour rentrer.
Je décidais alors de me mettre véritablement au wingfoil et de délaisser ma prometteuse carrière de kitesurfeuse ! De retour en Bretagne, nous vendions notre matériel de kitesurf pour ne se concentrer que sur le wingfoil. J’ajoute que le fait d’avoir beaucoup de différents matériels à bord me mettait mal à l’aise. Je préférais me concentrer sur une activité et en faire régulièrement, plutôt que d’avoir beaucoup de matériels de différentes pratiques, qu’on utilise que partiellement et qui aurait pu servir à d’autres. A chacun ses petites névroses.
Nous repartions donc en septembre 2022 de Bretagne pour un troisième transatlantique : Gweno en profitait pour faire évoluer son matériel – et s’était surtout équipé d’une plus petite planche – , j’utilisais toujours la planche ARIA 5’11 rigide en 120 litres, foil AQUILON 1500, et je m’équipais d’une aile ALIZÉ en 4’mieux agencée à mon gabarit.
Depuis – et après des sessions de rêves au Bélize, au Honduras et aux San Blas surtout – j’ai bien progressé ! Je passe mes empannages – à peu près – et je travaille mes virements de bord – je ne parviens pas toujours à voler pendant tout le virement mais je sens que ça vient. Je remonte bien au vent, je ne regarde plus la position de mes pieds ni même de mon aile, je me concentre sur le paysage et je prends beaucoup de plaisir, ce qui me parait être le principal, dans ce monde où tout fou le camp ! 😉
J’ai surtout compris comment décoller sans me mettre dans le rouge dès les premières minutes, aussi, j’en ai fini avec « je ne comprends pas je suis crevée au bout de 5 minutes de session à pomper comme une dératée pour m’envoler ». Je continue de m’envoler à mon insu dans des « vôtres de l’espace » et je ne suis pas tout à fait prête à passer des back flips, mais j’ai déjà emmené notre fille Cléo de 4 ans sur la planche pour un petit bord avec moi, toutes les deux si joyeuses que cela nous a fait la journée !
Le Wingfoil est devenu pour moi une pratique mécanique formidable : contempler un mouillage entier, repérer les grosses patates de corail pour les sessions d’apnée à venir, et aller boire un café sur le bateau des copains ancré à l’île sous le vent !
Préjugés écartés, curiosité dégustée, apprentissage orchestré, nouvelle pratique savourée ! J’ai vraiment hâte de mes premiers bords en Polynésie.