« C’est quoi votre quotidien type à bord de Zaï Zaï ? »

« Vous, les voileux, on vous voit arriver, vous posez l’ancre, vous restez quelques heures, parfois une semaine ou même des mois, et un jour, sans que l’on sache pourquoi, vous repartez. »

Tonalité franche, air malicieux. Au détour d’une conversation sur une plage de Makemo, Marie-Elodie, locale de l’étape, plante son regard dans le nôtre et ajoute, cash : « Mais qu’est-ce que vous foutez toute la journée sur vos bateaux ? J’aimerais bien comprendre !? ».

Mystère et flou apparent, nous voilà comme figés entre deux mondes sur nos bateaux, interrogation phraseuse qui chatouille autant qu’elle intrigue. « Mais c’est vrai tiens, qu’est-ce qu’on fabrique sur nos bateaux ? ».

Raconter un quotidien de bord est un exercice périlleux. Il révèle l’inexact, les zones d’ombres, le branlant… Les récits s’interprètent et attention, ils donnent à voir un quotidien détourné. Dans nos imaginaires collectifs, les photos de décors célestes, divins et paradisiaques engrangent le rêve, l’oisiveté, la kiffance. Moi-même, aux temps des hivers bretons humides trop long, j’envisageais des plus sérieusement ce tabloïd tropical enchanteur fait de baignades interminables dans ces eaux turquoise, sable chaud et cocotiers !

Instagram ferait de nous des charlatans de premier ordre. Et combien sont-ils, alléchés par la publicité inachevée, à rebrousser chemin tant l’équilibre familial est épuisé ?!

Archipel des Gambier
Un bel exemple de spot paradisiaque, non ?!

Mais allons-y, embourbons-nous dans l’exercice. Qu’en est-il alors sur Zaï Zaï de ce fameux quotidien type ?

Souvenez-vous, nous sommes partis de Lorient en 2021 en brandissant fièrement : « le bateau sera pour nous le moyen d’explorer d’autres modes de vie » ! Convaincus par cette idée, nous voulions que notre habitat flottant ait la configuration d’une ferme d’expérimentations.

On aurait aussi bien pu partir au pays d’Heidi, emmenant notre petite famille élever des chèvres à la montagne ! Dans les deux cas, il fallait se rendre à l’évidence : les premières années seraient casse gueule, tout serait découvertes, galères, gros investissements et petites victoires, oui le travail serait semé d’embuches et ne rapporterait pas grand-chose. Mais au bout du tunnel, il y aurait de la lumière, peut-être bien que l’on pourrait vivre de nos nouvelles compétences acquises en chemin, que nous récolterions le fruit de nos énergies naissantes.

Voilà, c’était l’idée.

26 mois nous séparent de notre vie de terriens, dont 8 dans les eaux polynésiennes.

Je pourrais monter dans les aigus et vous faire le récit d’un rythme de vie intense, d’une liberté étourdissante, d’une fierté d’exister. Ou descendre dans les graves et aborder les inquiétudes nombreuses, les tensions du bord, la fatigue qui rôde. Sans oublier la peur qui nous toise parfois, qui dilapide les cheveux de notre jeunesse, celle qui nous souffle ce désir soudain de troquer nos palmes contre des chaussons et notre habitat flottant contre une maison confortable.

Navigation entre les îles !
Navigation entre les îles !
Vie intense, liberté étourdissante !

J’ai travaillé pendant deux semaines sur un récit incomplet et décidément, je n’étais pas satisfaite, tant cela partait dans tous les sens. Partir dans tous les sens, voilà ! c’est peut-être une bonne description de notre quotidien type, qui du coup, n’en serait pas un du tout.

J’ai tout repris à 0, avec l’envie d’en découdre. J’avais besoin de savoir, de comprendre, et de définir l’instrumentation de notre quotidien.

Alors, j’ai rentré les éléments dans des cases, tristement, j’ai fait des catégories, avec pudeur, j’ai même fait des fromages, oui, avec des % ! (Tout comme j’avais su le faire autrefois lorsque j’avais un travail qui me rémunérait pour faire des fromages, des catégories et des %).

Le scientifique dans la salle m’avait suggéré un plus grand échantillonnage, une année de référence minimum, mais bon j’ai fait  simple et vous en tiendrez compte ;-). J’ai donc pris un mois de référence : novembre 2023. 30 jours. Un cycle menstruel. 720 heures. 43 200 minutes. Voilà, j’avais posé un cadre et c’était déjà ça !

Je suis donc très heureuse de vous présenter mes 4 fromages.

  • Le 1er mesure le temps que l’on passe à naviguer, versus le temps que l’on passe bateau-ancré-au-mouillage.
  • La 2nd s’intéresse au temps passé au mouillage, en escale, à la part « active », de celle dite « inactive » et de celle dite « entre-deux ».
  • Le 3ème donne la cadence des activités du bord lorsque l’on est au mouillage. En gros, que fait-on de notre temps libre ?
  • Et enfin, le 4ème distingue le temps passé en famille, en couple, ou en solo.

J’ai également rajouté une note pour répondre à la question « concrètement, avec quel argent vivez-vous ? ».

  1. Fromage  « Navigations versus Mouillages »

22% de notre temps, nous le passons à naviguer. J’aurai par ailleurs l’occasion de revenir sur nos pérégrinations en eaux polynésiennes.

Une fois la navigation terminée, en général, on est bien calmés. Fatigués de dormir par tranches allant de 40 minutes à 2 heures max. Fatigués par les grains coquins qui nous ont tenu en alerte. Fatigués par les embruns et le soleil. Tout est poisseux, c’est très désagréable comme sensation au pied, et même s’il faudrait s’activer pour tout ranger et dessaler, on n’a qu’une envie c’est de ralentir le rythme et de ne rien faire. Mais on ne gare pas Zaï Zaï comme le kangoo au parking. Il faut d’abord ancrer, pas trop loin du bord, pas trop près non plus… si les eaux sont troubles et qu’il y a plein de patates de corail, on met des bouées pour soulever la chaine et parfois, on plonge par 10, 15 voire 20 mètres de fond, et approuver la tenue du sol. Quand la chaine se prend dans une patate dans les cinq minutes, il convient de sauter à l’eau depuis l’étrave, masque au visage, plonger pour analyser la situation, donner du mou, démêler, replonger, libérer, mouiller plus loin.

Navigations belles et fatigantes
Devant un coucher de soleil au large de Tahiti...
Belle entrée dans la passe ! Raiatea
Parfois, on n'en mène pas large.
Notre arrivée aux Marquises
Découvrir l'île de Tahuata !
Quand il faut plonger...
Ici, on a eu le temps de s'habiller...

Il y a deux styles de mouillages. La moitié du temps, on tombe sur des mouillages plutôt très cools. Le cool, c’est quand il est très protégé des rafales de vent, de la houle, peu de bateaux autour, la terre facile d’accès, une parfaite tenue du sol, du soleil pour emmagasiner de l’énergie, l’eau claire, les spots de pêches à la pointe, et le petit vent établi pour naviguer en wing. Le plus serait la plage avec cocotiers, citronniers et manguiers. Ben voyons !

Le mouillage parfait !
Archipel des Gambier.
Mouillage paisible !
Avec la bouée en prime ! Atoll de Toau
Autre mouillage très abrité
On dort bien. Baie d'Hapatoni. Tahuata
Petit coup de wing !
Avec la petite risée qui va bien 😉

Les mouillages dits « intenses », c’est autre chose. Et c’est 50 % du temps restant.

Les drisses claquent. Le vent se lève. D’un coup. Pluie. Pluie fine ou pluie battante ? Pluie battante. Est-ce que l’on a bien fermé les panneaux du carré ? 

Combien de fois nos sommeils ont-ils été corrompus par la nuit imprévisible des mouillages ? La plupart du temps, ce n’est rien, un bout qui cogne, la pluie, les panneaux à fermer, un petit check de la force du vent à l’anémomètre, un cauchemar ou un nez qui coule car ici aussi la vie continue. D’autres fois, ce sont des nuits saccadées par des vents qui hurlent, la chaine qui se tend, la patte d’oie qui se raidie à se rompre avant de se relâcher tout à fait entre chaque à coup. Tandis que ce crissement désagréable s’imprime doucement dans nos corps épuisés en quête d’un sommeil franc, nos instincts s’aiguisent, et même si nos reflexes nous jouent des mauvais tours, nous retrouvons la sérénité grâce à la confiance que nous accordons à notre bateau, les moteurs qui démarrent au quart de tour, la vigueur du gréement, la longueur et le poids de la chaine, la robustesse de l’ancre.

Il y a cette unique certitude à laquelle nous pouvons nous attacher : la sécurité de notre famille dépend de nous, euh… disons, dépend de l’habilité de Gwéno à réparer et à anticiper une défaillance, de notre précaution à soigner notre bateau en permanence, de notre vigilance quant à la route que nous faisons, de l’analyse météo qui vient.

Voilà pourquoi l’entretien du bateau est chose indispensable. Vérifier les niveaux, batteries, eau, huile, filtres, pompes, cordages, lancement du déssal’, ouverture des panneaux pour aération en continue, verrouillage des panneaux pour demeurer au sec et éviter les draps pumides (contraction de puer et d’humide).

Nettoyer encore et toujours ! Frotter la carène deux fois par semaine, chacun sa coque et avec du tonus les gars ! Nettoyer les winchs, les fonds de cale, les boites à poils, les placards, les chiottes, vidanger les systèmes !  Frotter, astiquer, désinfecter. Il y a de quoi faire, faudrait pas flancher, et quand il n’y en a plus il y en a encore.

Zai Zai, c’est notre habitat, il est comme notre corps, si on ne veut pas qu’il nous lâche, si on veut qu’il soit en forme, qu’il pête la forme, il faut en prendre soin, savoir le mettre au repos au bon moment, le protéger, soigner les plaies avant que les choses empirent. Car ici, tout empire vite, trop vite…

2. Fromage temps « Actif vs passif »

… Le soleil, l’humidité, le vent, le sel, la pluie ; les éléments nous apprennent à ne pas trop faire nos malins, sinon on rouille, on sèche, on macère, on s’écroule !

Prenons par exemple la charge mentale du soleil. On ne va pas se mentir, il nous est indispensable pour recharger nos batteries, faire marcher le peu d’électronique que nous avons à bord, pour boire et cuire nos repas. Le matin, on se lève, on regarde le soleil, on checke les batteries, on lance le dessal’, on fait du pain, nos yahourts, on nettoie nos vêtements de base, on lance un four solaire pour le repas du midi, voire du diner.

Mais attention ! Monsieur le soleil est affable mais il crame tout. Héhé. Les peintures, les vêtements, les voiles, les bâches de protection solaires, nous. Il arrive que l’on croise des familles très organisées dont les enfants sont parfaitement harnachées de leurs lunettes, chapeaux et lycras. Et là je voudrais dire « chapeaux » ! On y travaille d’arrache pieds, viendra un jour où nous dirons « Hourra, nous n’avons plus à houspiller nos filles en train de courir cul nu sur le pont sous le soleil de plomb ! ».

Avec le soleil, la chaleur… (additionné à la pluie, l’humidité), la vie est fourmillante ! A peine a-t-on le dos tourné qu’un foyer de pousse pieds s’installe sous le bateau, des petits crabes s’abritent dans les passes coques, les guêpes viennent aménager leurs terriers dans nos placards, tranquille Emile vas-y qu’on y planque des petits verres pour plus tard, les charançons arrivent comme par enchantement dans les paquets de riz, les mites alimentaires se mettent à voler, les minuscules fourmis affluent dans la cuisine, et des cafards embarqués lors d’un passage à quai s’établissent dans les fonds. Les cafards, c’est comme les fumisteries ! Si tu en vois un, c’est qu’il y en a 10, et si tu en vois 10, c’est qu’il y en a 100. Et croyez-moi, le truc court, rampe, vole, et nage. Increvable.

Avec la chaleur, la vie se développe vite. Très vite. La vie foisonne à la hâte et s’installe menu dans la nôtre. Le soleil nous sèche, le sel creuse, les plaies bouillonnent et deviennent des fresques mauves et suintantes, on comprend mieux pourquoi Brel et Gauguin sont morts ici !

Et puis, la pluie. La pluie, c’est fabuleux, les filles se chargent de récupérer de l’eau à tout va, c’est tellement précieux. C’est la vie ! Ca rince le bateau, ca fait des douches faciles ! Mais n’oubliez pas de retirer le linge qui sèche, vérifiez bien d’avoir refermé les panneaux, que l’annexe puisse bien s’écouler, que le kayak est remonté. La pluie battante s’immisce partout, l’humidité nous guette. Rien ne sèche plus. Ca pue. C’est pumide !

Je vous ai parlé du vent ? Monsieur le vent sans qui ne nous pourrions pas nous déplacer … mais qui parfois s’excite un peu, il fait le fou, il nous envoie de très grosses rafales qui font tout valdinguer. Et les moments d’égarements, ou l’on se relâche un peu, ou la flemme nous mange le visage, où l’on oublie la serviette sur la filière bâbord, qu’alors elle file au loin et coule à pic, que l’on saute à l’eau habillés et que l’on plonge pour la reconquérir, que l’on remonte épuisés à l’arrière du bateau, nous voilà si stupide, nous et nos idéaux écolo !

Le soleil est indispensable !
Pour la cuisson de nos plats !
Le résultat est au top !
Lasagnes végétariennes
Le vent nous permet d'avancer, d'aller à terre...
avec notre annexe à voile !
Notre annexe nous embarque sur les motus !
Zaï Zaï Junior au mouillage.
Quand le grain nous tombe dessus...
Une arrivée à terre bien arrosée.

46 % du temps de nos journées est actif, contre 54 % du temps qui se doit de rester passif et/ou somnolent. Dormir 9* heures par jour (12 pour les filles) est un minimum – je ne sais même pas comment on faisait avant pour tenir-, et les 3-4 heures de temps calmes journalier sont une évidence dont on ne peut plus se passer. Ce temps où l’on écoute un podcast, on lit le plus souvent, on ne fait rien, on s’endort carrément, abruties par les dernières heures remuantes passées sous le soleil.

Bon un peu d’honnêteté, en novembre, nous tous avons été malades (ici aussi le COVID fait des ravages), cela a duré plus d’une semaine et il nous a fallu plus de repos que d’ordinaire… Il y a des mois où l’on dort moins, il y a des mois où nous sommes vraiment plus actifs (et vraiment plus fatigués aussi) ! Cette répartition serait donc un idéal ?

Repos bien mérité !
Lecture du soir...

3. Fromage  « Activités »

Que reste-t-il alors de notre temps libre ?

Si l’on cherche parfois une certaine forme de routine, nos journées ne sont pas programmées à tambour battant. Suivre la mesure imposée laisse trop peu de place pour le temps qui glisse et le laisser aller. Improvisation démesurée. Voilà ce que notre voyage au long court nous impose, une cadence, mais rien qu’on ne saurait vraiment maitriser parfaitement. Faire face aux déconvenues, aux contrariétés et aux désillusions nous bouscule, pousse notre mental et notre ouverture d’esprit à son paroxysme. Et croyez-moi chers lecteurs, l’enjeu est de taille pour les êtres sensibles !

Voilà pour les chiffres donc, une répartition plus ou moins approximative :

  • 28 % du temps passé à instruire et éduquer nos filles
  • 18% à gérer notre foyer, faire à manger, pain, yaourts, etc.
  • 11 % à être avec les locaux
  • 10% à évoluer à l’extérieur de notre embarcation, randonnées – wing – apnée – balades
  • 10 % à entretenir Zaï Zaï
  • 9 % à pêcher
  • 8 % à être avec les bateaux copains
  • 6 % à développer d’autres projets, potentiellement sources de rémunération
L'instruction en famille !
Il y aurait tant à dire ...
La pêche au harpon
pour nourrir la famille.
Quand la pêche est plus grosse...
On fait des conserves et on donne du poisson dès que possible !
Les bateaux copains
avec qui nous partageons de belles navigations !
Les enfants deviennent super copains !
Les inséparables ...
Balade à Bora Bora
Découverte de la faune et la flore à Bora
Les locaux nous partagent leurs connaissances.
Balade aquatique avec Julie
A Fakarava
Gweno emmène Julie sur son dos
Nager avec les dauphins
Ca c'était fou !
Les balades à terre
Motu - Trou de la baleine - Makemo
On ne se lasse pas de ces paysages
Motu - Trou de la baleine - Makemo
Danses Marquisiennes
Tahuata, Baie Hapatoni

Je reviendrai plus tard sur certaines de ces thématiques. Rien que le paragraphe sur l’instruction et l’éducation de nos filles s’étale sur un minimum de deux pages.

En attendant, à toutes celles et ceux qui veulent dès à présent en savoir plus, certaines thématiques ont déjà été largement introduites dans le livre « En famille sur l’Atlantique » aux Éditions Voiles et Voiliers, que vous trouverez en ligne ou dans votre librairie.

4. Fromage « Équilibre Famille – Perso »

Alors justement, l’équilibre, parlons-en.

Toutes les activités recensées jusqu’ici, qu’elles soient actives ou passives, sont réalisées en couple, en famille ou tout seul. .Nous apprenons depuis deux ans à veiller à ce que cet équilibre ne soit pas entaché, que chacun d’entre nous ait du temps pour soi, quand bien même nous habitons à 4, sur un habitat flottant de 40 m2.  Il ne s’agit plus de trouver un équilibre entre le pro et le perso. Mais bien de trouver un équilibre entre le soi et le soi avec les autres.

Alors on creuse, on décortique, on enlève les couches de croyances qui s’agrippent sournoisement, on apprend à s’écouter, à se coordonner, à vivre ensemble. On redéfinit parfois les règles dans les périodes d’anarchies, on recule, on bifurque, on avance, on se trompe souvent mais on assume, et quand on regarde en arrière, on se dit que malgré tout, on a fait du chemin.

  • 42 % de notre temps se passe en famille,
  • 33 % de notre temps en couple,
  • Et 25 % de notre temps, on le passe en solo. Et c’est un minimum.

nb : Je précise que les temps passés avec les locaux ou les bateaux copains s’additionnent avec ces temps passés en famille, en couple ou en solo. 

Préserver des moments à deux
Les filles ne sont jamais loin !
Gwéno en plein run avec l'annexe à voile !
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Et on a hâte 😉

Aussi, quand on est en forme, on aime bien s’en rajouter, alors des projets émergent au fil de l’eau. Il y a les projets d’écritures, la construction de l’annexe à voile, on se forme à l’apnée – version « académique », de façon à progresser et peut-être même l’enseigner à d’autres – ,  coudre nos vêtements, installer des toilettes sèches ou toutes les idées qui nous viennent pour transformer Zai Zai en un bateau le plus marin et low tech possible …

Stage d'apnée avec Adrian
Pour devenir instructeur, challenge accepté !
Entrainement apnée avec le cable
Tout va bien ...
Anne-laure a fait le 32 M !
AIDA 4 dans la poche !
Passe sud de fakarava, apnée avec les requins
Coudre ses fringues, c'est cool !
Les filles ont l'âge où elles aiment tout.
Ce qui est clairement un avantage...
Les vêtements sont validés !
Ouf !

Évidemment, tout ce qui vient en plus du « voyage » prend un temps fou ! Et il se trouve que nous nous autorisons à le laisser filer (le temps), tant nous savourons les années de travail qui ont précédé pour arriver jusqu’ici. Accepter les petits coups de mou. Admettre que certaines choses qui avaient de l’intérêt avant ont perdu de leur importance aujourd’hui. On renforce ce qui nous semble essentiel pour cette vie-là, et on diminue le reste. Nos compétences s’affinent et nos passions s’étirent. On s’autorise à être ce que l’on est loin des regards, on affirme la façon dont nous souhaiterions mener notre existence.

Garder du temps pour soi
dès que possible !

5. Concrètement la thune ?!

Bien sûr qu’il y a des moments de doutes, bien sûr que l’on se surprend à se demander s’il est bien raisonnable de se donner autant de mal pour un projet qui nous coûte aujourd’hui bien plus qu’il nous rapporte, financièrement je veux dire !

On nous a tellement posé ces questions : « mais vous ne thésaurisez pas ? », « Vous dépensez votre argent dans ce voyage, c’est la retraite avant la retraite, quoi ! », « Comment faites-vous financièrement ?! »

Le sujet n’est pas simple, la thune ! mais je vais tenter de le décortiquer sans tabou.

Certaines de nos activités nous ont, ces deux dernières années rapportées un peu d’argent. Mais ce serait mentir de dire que c’est suffisant pour financer notre vie sur Zaï Zaï.

Je tiens à préciser que ce projet, nous en rêvions et nous l’aurions fait quoiqu’il arrive, quels que soient les moyens que nous aurions alors. A cet égard, le cheminement qui a été le nôtre a été largement approfondi dans notre livre.

Il convient d’accepter les faits : nous avons eu les yeux plus gros que le ventre, nous sommes tombés amoureux d’un bateau qui nous a demandé beaucoup de travail et surtout beaucoup d’argent. Plus que nous en avions. Alors nous nous sommes risqués à monter un projet professionnel qui, après un an passé sur l’Atlantique et pour diverses raisons, a été avorté.  Retour à la case départ, nous pouvions troquer Zaï Zaï pour une embarcation moins couteuse OU vendre la maison de Gwéno, maison qu’il avait fait construire 20 années plus tôt sur un terrain légué par son père à sa mort. Héritage donc. Chance. Oui bien sûr, mais allez dire ça à celui qui en contrepartie, n’a pas connu son père. Il a fait un choix.

Nous sommes bien conscients que ce terreau fut largement favorable à poursuivre notre route. Sachez pourtant que nous rencontrons tous les jours autant de familles, couples et solitaires qui se sont lancés dans l’aventure sans aucun héritage, ni même pour certains, aucunes facilités !

Vivre en bateau, en famille et sans territoire fixe – quand deux océans nous séparent de nos habitudes, de nos familles et amis, de nos croyances -, les qualificatifs sont boiteux pour décrire précisément le désarroi qui nous traverse parfois. La pénibilité est le prix à payer pour tout le reste. Etre libres et forts du privilège de naviguer en ces lieux, s’ouvrir au monde, grandir et rêver notre vie. Et même si notre équilibre familial demeure sensible, nous le consolidons de jour en jour à travers ce voyage qui est au quotidien une aventure humaine riche d’apprentissages et de sens.

Je terminerai sur les mots de Gérard Janichon dans Damien autour du monde (que l’on vous recommande chaudement de lire par ailleurs, livre ou bd) :

« C’est notre liberté qui s’annonce. C’est la vie du vent, du nuage, de l’embrun. C’est la labeur marin parfois dure, parfois doux. C’est l’espoir de la vérité sur soi-même. C’est le bonheur de l’instant qui passe, le renoncement à vivre demain parce qu’aujourd’hui suffit. »

Nos précédentes aventures