Après 22 jours de mer, au petit matin, nous la devinons. C’est un archipel épars qui se dessine au loin, un atoll aux palmiers diffus, une île volcanique toute en hauteur et des touches de vert ici et là. La mer s’éclaircit à mesure que nous approchons la vie, ces « motus » au milieu de rien. Ou plutôt, au milieu de tout.
Sans surprises, les filles sautent, dansent et chantent à l’étrave : « La Polynésie, la Polysémie, la Polynésie ! ».
Puis, des odeurs. Du sapin? En tout cas, ça sent la forêt. Regard fixe, vêtus de nos costumes d’explorateur, nous voilà prêts à tout découvrir et nos sens sont en alerte. Nous déboulons avec cette longue houle de Sud Ouest, Zaï Zaï glisse poussé par le vent et entre enfin, nous distinguons sous nos coques la passe qui laisse entrevoir de magnifiques patates de corail à quelques dizaines de mètres.
On ne s’attendait à rien. On reçoit tellement ! On n’en revient pas d’être là tous les 4, toutes voiles dehors, on se remémore les folles étapes pour en arriver là, du « on y va » il y a 3 ans, en passant par l’achat du bateau, le chantier colossal, le premier tour d’atlantique fait de questionnements et de tant de doutes, l’étape en Bretagne cet été pour repartir, la traversée jusqu’au Mexique, la descente jusqu’au Panama, les San Blas, le passage du canal, puis la transpacifique… pour se retrouver dans notre « zone du dehors » en Polynésie… Nous savourons l’instant.
Je vous écris depuis le petit bureau de pierres improvisé à l’ombre du manguier, dans le jardin de Marie, cette femme si souriante qui partage sa machine à laver avec ceux qui n’en n’ont pas. Comme nous. Oui, encore ces fameuses machines à laver, celles qui, une fois par mois, rythment notre journée. Lancement de la machine, 5 min de marche, petit café chez Jojo – troquet du coin et petite connexion wifi pour prendre quelques nouvelles de métropole -, 5 min de marche, étendage du linge, lancement de la machine suivante, retour chez Jojo, balade rapide avec Gweno avant d’aller chercher les filles à l’école, retour chez Marie, pliage linge sec, étendage, lancement suivant et dernier cycle, retour bateau, déjeuner et séance écriture toujours chez Marie, histoire de finir le job « machines » avant la fin d’après-midi ! Ici, vous l’aurez compris, pas de service laverie ! Trouver ce dont on a besoin est une affaire de plusieurs heures de balades et de nouveaux liens tissés : Jimmy nous a dit d’aller voir Benjamin qui nous a parlé de Jacqueline, laquelle, en fait, ne savait pas et qui a voulu nous mettre en lien avec Juliette et Titouan – justement des bretons navigateurs installées à Rikitea depuis deux ans – qui n’étaient pas là, mais bingo, en face, nous avons trouvé « Chez Jojo » et avons rencontré Jean-Paul qui nous a indiqué Marie. Ainsi, nous savons désormais qui est l’électricien du village, avec qui troquer des mangues et des avocats et qui peut nous fournir en plantes aromatiques. Pas de publicité dans les ruelles, pas de supermarché non plus sinon de toutes petites supérettes, pas de « boutiques » de fringues, et encore moins de 5G. On peut se connecter avec une carte à gratter pour 1 h ou 2 heures et se mettre sur le banc de la poste, ou bien chez Jojo, c’est bien aussi avec le café du matin. C’est vrai qu’ici, chose surprenante, personne n’a la main griffée à son téléphone. Ils sont plus occupés à tout le reste. Les yeux se croisent, un sourire ou un regard curieux mais un regard quand même, on se dit bonjour à chaque coin de rue, ca discute dans les jardins, les enfants jouent vivement et crient sur les plages ou la place du village.
Nous sommes arrivés un samedi après-midi, weekend des élections, jours de fêtes. S’il y a bien deux ou trois restaurants-snacks, ce sont surtout les habitants qui improvisent les repas partagés ou préparent de grosses gamelles pour les voisins qui préfèrent leur plat à emporter. En moins de deux heures, nous sommes invités à un barbecue sur l’île de Taravaï, chez Hervé et Valérie, polynésiens d’origine qui organisent des rencontres entre bateaux de voyage, tous les dimanche lorsque le temps le permet. Nous y passerons deux jours. Hervé est pêcheur au harpon et le rdv est pris pour le weekend suivant, il va nous emmener avec lui.
Tout l’équipage va bien même si encore un peu fatigué de cette traversée. Julie et Cléo ont été accueilles ce matin pour la première fois à l’école et déjà elles partaient en balade dans la foret. Si Julie attend encore quelques jours avant de se prononcer, Cléo avait l’air d’être emballée, elle s’est fait une nouvelle copine mais se rappelle plus du prénom. Noe et Aou’ cherchent une solution pour remonter jusqu’à Tahiti, avant de se diriger vers Nouméa. Voiliers ou bateaux de réapprovisionnement, les alternatives sont là mais le plan demande un peu d’organisation pour éviter qu’il devienne trop foireux.
Nous remercions chaudement Mathilde et Enora qui nous aident à adresser des nouvelles, ce qui nous permet de faire le lien avec vous. La semaine prochaine, nous aurons quelques chose de très chouette à vous annoncer, voilà pourquoi leur appui va nous être encore précieux, sachant qu’ici, vous l’aurez compris, les connexions internet se feront avec parcimonie, une à deux fois par semaine, et au petit bonheur la chance si l’on veut partager quelques photos.
Au plaisir de vous lire,
Famille Gahinet